Commémorations de la Grande Guerre en habits de tous les jours
Bernard Pivot tweetait ce dimanche 4 novembre : « Novembre est le mois le plus triste de l’année avec son jour des morts et le 11, sa victoire crépusculaire. Novembre 2018: carrément sinistre avec les commémorations des fiertés et horreurs patriotiques. »
Bien d’accord avec lui, mais il n’empêche. Ces commémorations auront au moins le mérite de mettre en lumière des archives inédites, toujours plus proches, que l’on prend comme un coup de poing dans la figure, et de montrer de nouvelles" horreurs patriotiques" qu’il est sain de révéler. Et puis de mettre au jour une guerre "en tenue de tous les jours" pour reprendre l'expression du journal Le Temps à propos de la réédition d'un livre (cf plus bas) de Jean Giraudoux, un auteur que l'on ferait bien de relire aujourd'hui dans cette actualité dangereusement années-trentiste.
Commençons donc par mettre nos bottes, non pour en faire dangereusement claquer les talons, mais pour aller dans les vignes de Santenay comme le décrit la 4ème de couverture du livre qui ouvre cette bibliographie : Travaux de vigne et Guerre d'usure, par Marc Sorlot, aux éditions de l'Escargot savant.
Voilà qui vous rappelle les lettres échangées par Henri Soichot, affecté en 1915 au 37e régiment d'artillerie à Bourges, avec sa femme Apolline. Apolline se partage entre l'atelier de serrurerie de la rue Berbizey à Dijon et les vignes familiales à Marsannay-la-Côte et cherche désespérément de la maind'oeuvre. Pour (ré) écouter ces lettres lues par Édouard Bouyé, suivre les épisodes 8 à 14 des Inédits de la Grande Guerre sur ce lien :
http://stationsimone.free.fr/index.php/nos-podcasts/les-inedits-de-la-grande-guerre
Restons encore en Côte d'Or avec cet album publié en 2013 par les Éditions Sutton :
Pour en savoir davantage :
http://www.editions-sutton.fr/index.asp?navig=catalogue&obj=livre&no=55265
Deux éditions et deux couvertures pour les Lectures pour une ombre de Jean Giraudoux. " Publié en mars 1917, le livre se compose de trois récits, « Le retour d'Alsace, « Périple » et « Les cinq soirs et les cinq réveils de la Marne ». On y voit le sergent Giraudoux, attaché au colonel de son régiment comme secrétaire-interprète, car il parle allemand. (...) . Et c'est le récit d'autant plus hallucinant qu'il décrit sans emphase « la surface ravagée de la guerre, avec [...] toutes ses dépouilles, képis, souliers, avec une paire de bretelles étendue comme à l'étalage, avec une main raide qui sort d'un silo. »
Quand on lit des journaux de l'époque, on s'aperçoit que nos fake-news du 21e siècle n'ont rien à envier à la propagande visant à rassurer l'arrière, du style "les balles allemandes ne tuent pas, elles ne font que des bleus" !
De toutes les "horreurs patriotiques" de grands romans de la fin du 20e siècle ont eu le mérite de nous éclairer sur les automutilations, les mutineries et les fusillés pour l'exemple.
Citons des livres plus récents qui s'attaquent à ces sujets:
On oublie souvent que la guerre ne s'est pas arrêtée le 11 novembre 1918 pour tout le monde et qu'elle a continué sur le front d'Orient.
"Ce n'est qu'en mars 1919 que les poilus d'Orient sont rembarqués d'Odessa avec le sentiment d'avoir injustement été les oubliés de la Grande Guerre." source : http://www.cheminsdememoire.gouv.fr/fr/le-front-dorient-1915-1919
Un livre paru en 2016 traite ce sujet :
Pour en savoir davantage sur cet ouvrage de Max Schiavon, suivre lien ci-dessous :
Max Schiavon, auteur de l'ouvrage " Le front d'Orient. Du désastre des Dardanelles à la victoire finale (1915-1918) ", revient sur ce front quelque peu oublié.
http://centenaire.org/fr/espace-scientifique/pays-belligerants/le-front-dorient-1915-1918
Enfin, terminons cette courte bibliographie complémentaire par un livre qui s'intéresse au "silence des peintres "pendant la Grande Guerre. En effet, nous avons tous en mémoire "La Guerre", le triptyque hallucinant peint par Otto Dix entre 1929 et 1932 qui se trouve actuellement à la Galerie Neue Meister de Dresde.
En suivant le lien ci-dessous vous pourrez l'observer en détail à l'aide de la loupe:
https://www.flickr.com/photos/mazanto/39540596595
Mais Philippe Dagen s' interroge sur le fait que les grands peintres européens de l'époque ont pour beaucoup poursuivi leurs recherches picturales personnelles (cubisme, futurisme, post-impressionnisme, expressionnisme ...) à l'écart des événements de la guerre.
Pour un compte-rendu de cet ouvrage ,vous pouvez lire l'article qui lui est consacré en cliquant sur le lien ci-dessous.
Le titre de ce livre en resume le sujet il agit étudier la réaction des artistes européens notamment de créateurs avant-garde face la Première guerre mondiale Selon auteur peintres et sculpteu...
https://www.persee.fr/doc/rvart_0035-1326_1997_num_117_1_348348_t1_0080_0000_005
Pour avoir travaillé un peu sur les rapports entre les peintres allemands et la Grande Guerre, j'ai pu découvrir que si beaucoup se sont engagés volontairement en 1914 comme Otto Dix lui-même, Max Beckmann, Ludwig Kirchner, Oskar Kokoschka, Franz Marc ... beaucoup ont rapidement déchanté !
Ou ne reviendront pas, comme comme August Macke mort à 27 ans dès le 26 septembre 1914 dans la boucherie collective de Perthes-les Hurlus.
Ci-dessous August Macke en 1908.
Si le sujet vous intéresse, je vous conseille l'excellent livre ci-dessous, facilement trouvable à petit prix sur le net dans sa version française chez Taschen.
Par ailleurs, plusieurs des livres que j'ai cités dans cet article sont disponibles à la Bibliothèque municipale de Dijon.
L'ouvrage Travaux de vigne et guerre d'usure de Marc Sorlot est en vente Au Duché de Bourgogne, place de la Libération à Dijon.
Au moment où je termine cet article, je découvre la couverture du Télérama de cette semaine (ci-dessous). Non, ne vous inquiétez pas les gars, cette commémoration du centenaire a ravivé des souvenir familiaux, même enfouis, nous a fait vous connaître plus intimement. On ne va pas vous laisser tomber. On ne va pas laisser retomber sur vous cette lourde dalle du centenaire. On ne vous oubliera pas. Et on continuera à vous évoquer car vous êtes LA génération sacrifiée dans une horreur absolue. Et nous vous devons bien cela.