Précarité étudiante 1947-2016
"Il faut bien que jeunesse se passe"
Une enquête de Jacques Schneider, Journal d'Alsace et de Lorraine, 27/11/1947 (extraits)
- Elle se passe effectivement cette jeunesse, mais non plus dans l'insouciance, dans la fantaisie, dans l'irresponsabilité, mais dans le tragique. Elle se passe dans l'angoisse du lendemain et l’âpreté de l'aujourd'hui.
- Il n'est pas rose d'avoir vingt ans à l'aube de 1948, et moins encore lorsqu'on fait partie de cette classe des faux privilégiés que l'on nomme les étudiants. L'étudiant 1947 neuf fois sur dix vit dans un taudis, meurt de faim et de misère. On ignore ces drames où le cocasse voisine parfois avec le tragique. On ne sait pas que les Sanas manquent de lits, que cinq étudiants ont préféré le suicide à une lutte inutile.
- Ce n'est pas moi qui dis cela. C'est un authentique étudiant d'aujourd'hui. Il ne fait qu'exprimer la rancœur de milliers de semblables qui constituent, suivant les affirmations des discours officiels "l'élite intellectuelle de la France".
- Je sais. La France est pauvre. On nous le répète chaque jour, comme on nous répéta en des années pas si lointaines que nous étions vaincus. Le temps du masochisme est arrivé.
- Mais je ne pense pas que, parce que nous sommes sortis appauvris de la guerre ( et cet appauvrissement n'est au fond que de surface puisque l'on estime à quatre milliards de dollars l'or entassé dans le bas de laine des épargnants français) je ne pense pas que ce soit une raison suffisante pour qu'on laisse à l'abandon ceux qui devront constituer les cadres de la nation de demain.
- Non seulement on les atteint dans leur dignité, mais cette guerre froide (puisque le mot est à la mode) qu'on leur livre les touche dans leur santé, dans leurs ressources intellectuelles les plus indispensables.
- Avec un budget de 39 milliards et demi affecté à l'Enseignement alors que le budget militaire ordinaire et extraordinaire est de 500 milliards, la France vient dans ce domaine au 29e rang des nations civilisées, après la Turquie et l'Espagne.
- Et les 3 milliards et demi qui vont à l'Enseignement supérieur la situent au dernier rang. 500 milliards pour la guerre, 40 milliards à peine pour l'Enseignement.Voilà où nous en sommes.
- Je sais bien que la guerre, comme l'enseignement, est réservée aux jeunes.
- Mais enfin il serait peut-être temps que nous songions à faire en sorte que jeunesse ne se passe plus, mais demeure. (à suivre)
Quelques textes et chiffres d'aujourd'hui sur la précarité étudiante :
Les étudiants touchés de plein fouet par la précarité sociale :
Sur les étudiants qui vivent avec moins de 8€ par jour :
https://www.monde-diplomatique.fr/2014/10/DESLANDES/50891
Les enquêtes de l'OVE (Observatoire de la vie étudiante) ici :http://www.ove-national.education.fr/
Et particulièrement sur le renoncement aux soins (p 16 et suiv) ici :
http://www.ove-national.education.fr/medias/OVE_Situation_economique_et_financiere_CdV2013.pdf
Jeunesse : la "génération sacrifiée" en 3 chiffres :
- 24,3% de chômeurs chez les 15-24 ans au troisième trimestre 2015
- Un taux de pauvreté de 22,5% chez les 18-24 ans
- Alors qu'en 1992, l'âge moyen d'obtention d'un CDI était de 22 ans, il est passé à 28 ans aujourd'hui
- Source : http://www.rtl.fr/actu/economie/jeunesse-la-generation-sacrifiee-en-3-chiffres-7782358702