Une demoiselle sur une balançoire
Club Sandwich n°20 du dimanche 12 février 2017
Chanson du dimanche
Quand on sort de Rock en Seine, qui se tient chaque fin d’été depuis 2003 dans le Domaine national de St Cloud, au bord de la Seine, dans l’actuel 92 -on dit bien St Cloud, C.L.O.U.D. et non « St Claoud » - autrement dit dans le parc de St Cloud, celui où j’ai appris à marcher, dans les jardins dessinées par Le Nôtre, notre foule de festivaliers est non seulement étroitement escortée par un cordon de policiers, comme si nous étions des malfrats, jusqu’à l’entonnoir de la station de métro Pont de St Cloud, mais on laisse derrière nous, après trois jours de festival dans la partie basse du parc le long de la Seine, des pelouses laminées par les 240 000 pieds qui les ont foulées.
Quand j’y pense ! J’ai presque appris à lire sur les pancartes « Pelouse interdite » de ce parc, où d’effrayants gardiens à sifflets traquaient les ballons, les amoureux et les patins roulettes, et m’interdisaient de poser sur le précieux gazon un pied pointure 22, quand je tentais désespérément de cueillir une pâquerette !
Plus bas dans l'article vous trouverez 4 photos où j'ai entre deux et cinq ans, (je les avais promises !) dans le Parc de St Cloud. Bien que le scann même retouché ne soit pas excellent, vous remarquerez que les pancartes étaient bien présentes et que l'esplanade avec la grande balustrade et la vue sur Paris et la Tour Eiffel n'a pas changé.
Oui, là, dans le Domaine de St Cloud, celui-là même où a été assassiné Henri III, où Bonaparte a pris le pouvoir, où Napoléon III a rétabli l’Empire et dont le château a été incendié par le bombardement des Prussiens ! Dans ce domaine se tenait, depuis 1785, date à laquelle Marie-Antoinette l’avait racheté, une fête peinte par Fragonard, une fête qui se tient toujours en septembre, une immense fête foraine que j’attendais avec impatience, d’autant plus que la rentrée était à l’époque plus tardive, et nous, enfants franciliens, pouvions en profiter tous les jours du moment qu’un adulte et son porte-monnaie nous accompagnaient !
Edouard Dantan, Fête foraine de St Cloud, 1879, gravure fin XVIIIe,cartes début XXe, Incendie du château de St Cloud, "l'année terrible" (1870-71)
Ce qui me ravissait, c’était les balançoires, depuis je n’en ai jamais vu d’aussi variées, et le manège où des bateaux glissaient sur l’eau sous un ciel étoilé, jamais revu non plus.
A l’époque je n’avais pas le droit de porter les cheveux longs, c’était comme ça, mon père refusant tout ce qui aurait pu me donner un air de « petite fille de bonne famille » comme les petites filles de cette banlieue ouest. C’était comme ça, on ne discute pas avec la politique, surtout à quatre ans ! Et pourtant j’aurais tellement adoré porter des nattes, comme mes poupées, que j’appelais toutes … Nathalie !
Quand on n’a pas droit aux nattes comme les autres filles, on tresse ce qu’on peut, les brins d’herbe, les rouleaux de réglisse, tout ce qui vous tombe sous la main, et surtout les cheveux en coton perlé de deux petites filles sur des balançoires, une châtain et une blonde, brodées sur la robe de l’été de mes cinq ans. Oui, des broderies en relief, avec de « vrais » cheveux en coton que je pouvais natter et dénatter. J’ai vainement cherché sur le net un modèle identique pour vous montrer à quoi ça ressemblait mais je n’ai pas retrouvé une telle merveille. (ci-dessous une photo avec le même genre de broderie, pour vous donner une petite idée.)
A cette robe et aux balançoires de la Fête foraine de St Cloud est associée tout naturellement une chanson que chantait Yves Montand : Une demoiselle sur une balançoire. J’aimais bien cette chanson qu’on fredonnait à la maison, surtout le dimanche quand je portais cette robe et qu’on allait à la fête, et je l’aime toujours, même si je ne l’écoute jamais- je l'aime bien parce que ce n’est pas une chanson chantée ! Je n’aime pas trop les chansons en français (à cause des "e" qui, à mon avis passent mal). Mais une chanson jouée, comme une scène de théâtre, avec des surprises et des changements de ton et le phrasé si caractéristique du grand chanteur et acteur qu’était Yves Montand.
Il existe d'autres versions et chantées par d'autres, mais celle-ci me semble la meilleure interprétation.
Le podcast complet de l'émission est ici :
http://www.radio-cultures-dijon.com/podcasts/club-sandwich-emission-du-dimanche-12-fevrier-2017-165